Mais ainsi va la vie : faire et défaire, ça a permis à
certains de faire du business. On constate d’ailleurs qu’aujourd’hui, personne
ne songe à regretter – voire contester – ce passé en établissant tout bonnement
le parallèle avec les formidables réseaux de tramway qu’on rencontre en
Allemagne, en Suisse, en Hollande et ailleurs. Les édiles ayant manifestement
là-bas su faire preuve d’un meilleur discernement politique…
Sous la sourde pression de l’appareil européen qui a
institué des normes de qualité de l’air dès la prochaine décennie, Nice – comme
les autres grandes villes de France et de Navarre – a donc dû lourdement
investir dans une infrastructure "propre" entièrement nouvelle. Et belle, il
faut aussi en convenir.
Résultat : dans le centre ville, maintenant, on circule tout
de même mieux. L’avenue Jean-Médecin a enfin retrouvé du lustre. Même s’il va
falloir attendre longtemps avant d’y revoir de beaux arbres, à défaut des
traditionnels platanes. Réussie également, la place Masséna, en oubliant
l’épisode des travaux supplémentaires, imputables à une mauvaise estimation des
différences de niveau de sol qui empêchait initialement de raccorder
convenablement l’ensemble ! Pas mal fichu non plus, le boulevard Saint-Roch affiche
même une élégance qu’on n’imaginait pas avec ses voies ferrées tapissées de
gazon.
On ne circulera plus comme avant
Bien sûr, ça coince encore méchamment du côté de la place
Garibaldi, tribut à au réaménagement compliqué de cet endroit emblématique qui
soude le Vieux Nice à la ville moderne. Le déplacement de la statue du grand
révolutionnaire nissart, au nom plus fameux en Italie ou en Amérique du sud
qu’en France, n’a pas été une mince affaire, "requalifiant" complètement un
site déjà très bouleversé dans les années soixante.
Mais de toute façon, il ne faut pas se leurrer : demain ne
sera jamais comme hier. En clair : plus jamais on ne circulera comme avant. Car
le statut prioritaire du tram a bien tentendu entraîné un nouveau plan de
circulation qui peut sembler moins harmonieux. Exemple : la traversée est-ouest
à hauteur de l’avenue Malaussena. Mirabeau étant passé en sens unique sur l’une
de ses extrémités, on peut devoir remonter bêtement place de Gaulle par un
dédale de ruelles pour aller chercher la Voie Rapide.
Et à ce propos, elle mérite enfin bien son qualificatif,
cette Voie Mathis, son appellation officielle, devenu le grand poumon est-ouest
de Nice lorsqu’on ne veut pas "cracher aux bassinets automatiques" d’Escota
pour contourner cette autre cité phocéenne. On ne peut qu’applaudir à son
entrée en service en double voie dans les deux sens, car on ne met qu’une
dizaine de minutes, et rarement beaucoup plus, pour ralier l’Arénas du Palais
des Expos, et vice-versa. Naturellement, après, c’est une autre affaire,
surtout côté Arénas où la Voie Rapide se tortille bizarrement pour déboucher
derrière la gare Saint-Augustin. Vraiment pas facile d’accéder de là à
l’autoroute à certaines heures; l’enfer ! En revanche, côté Nice Est et après
le bouchon rituel du tunnel de la Voie Malraux, c’est impeccable pour
s’engouffrer sur la Pénétrante du Paillon, elle aussi récemment prolongée sur
Drap, en passant sur l’autre rive.
Même observation pour Carros, vite atteinte grâce au nouveau
pont qui enjambe le Var, et la double chaussée qui y mène direct en un clin
d’œil. Moyennant quoi la circulation sur Nice et ses alentours immédiats se
sont bien améliorés. Mais sans espoir de nouveaux gains, principalement parce
que l’autoroute, bien que saturée depuis maintenant longtemps, va rester en
l’état sur des années et des années, fruit des stupides atermoiements passés.Il
faut donc considérer le réseau routier de l’ensemble de la Côte d’Azur, de
Menton à Mandelieu – un million d’habitants à 95 % répartis sur la bande
littorale -, dans sa configuration optimale… C’est évidemment pas brillant,
sauf à faire aussi bateau-taxi.
Quand la résignation s’impose
Conducteur et passagers n’ont plus qu’à prendre leur mal en
patience. Parce qu’en l’état actuel des choses, les seules nouvelles prévisions
possibles vont dans le sens d’un flot de circulation qui tend de plus en plus
vers la moyenne horaire habituelle en vigueur dans les zones urbaines du Japon
: 25 km/h ! La densification constante du réseau, comme la multiplication
prévisible et annoncée des radars, achèvera en effet d’engourdir un peu plus la
progression des autos sur la bande côtière des Alpes-Maritimes.
Les dernières fortes pluies hivernales ont d’ailleurs à
nouveau démontré combien certains points de passage étaient vulnérables. A
commencer par l’autoroute elle-même, coupée durant plusieurs jours entre la
Turbie et la frontière à cause d’un éboulement important. Malgré les immenses
filets de sécurité, un rocher de 3 tonnes s’est détaché, suffisant à faire de jolmis
dégâts. Pas de victime, heureusement, mais seule la chance a compté dans cette
affaire. Avec 30.000 voitures par jours entre Roquebrune et La Turbie, on se
doute de la pagaille ambiante quand la circulation a été totalement interrompue
durant quelques jours… Pire : 5.000 poids-lourds franchissent chaque jour la
frontière franco-italienne, mais le "schéma-directeur" semble avoir oublié une
fois de plus cette lointaine terre de France ralliée à la République qu’en
1860.
Méfiance aussi dans l’arrière pays, car ce sont à peu près
trois décès que l’on enregistre bon an, mal an, dans les gorges situées aux
confins du département, toujours à cause de la roche qui s’effrite à la suite
de violents orages. Entre Beaulieu-sur-Mer et Eze-sur-Mer, il y a également souvent
des éboulements, et ils se sont encore rappelés début 2008 au bon souvenir des
usagers de la Basse Corniche. Alors, bonne route quand même ! Faut pas s’en
faire : le soleil et la mer bleue doivent quand même permettre de relativiser
un peu plus qu’ailleurs les désagréments de la circulation.
Philippe Hervieu
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