Le dernier « grand » du quatuor : Brel, Brassens, Ferré, nous a quittés…Qui dans la nouvelle génération pourra prendre le relais avec autant de sincérité ?
Bien sûr, dans le répertoire du poète disparu, il y a les incontournables : La Montagne – Ma France – Nuit et brouillard – Le Poète a toujours raison – Ma Môme – La Femme est l’avenir de l’homme – C’est beau la Vie – Potemkine – Deux Enfants au soleil – On ne voit pas le temps passer – Aimer à perdre la raison (reprise par les Enfoirés pour les Restos du Coeur), Que serais-je sans toi – Sacré Félicien – À Brassens, etc.
Mais, il y a aussi de très nombreux textes engagés, moins connus (merci les radios) qui ont toujours eu des retentissements critiques : Camarade – Les Guérilleros – Maria, – Quatre cents enfants noirs – Hou hou méfions nous – Intox – Le Bilan – La Cavale (publiée dans T.T.M. sept. 2009). La Voix lactée – En groupe, en ligne en procession – Un jour futur – 17 ans – Quand on interdira plus mes chansons – L’idole à papa – Une Femme honnête – Tu verras, tu seras bien – Tout ce que j’aime – Toujours la même gueule – Oural ouralou – Regarde toi Paname – Cuba si – Un jour, un jour – À la une – Le bruit des bottes – Dingue – J’ai froid – Frederico Garcia Lorca…
Chanteur à contre-courant des « yéyés » des années 60, Jean Ferrat, malgré une censure omniprésente, aura réussi à faire entendre sa voix et ses textes à des millions de gens. « Un jour futur, puis des millions de jours, j’avancerai parmi des millions d’hommes ; brisant les murs de ce siècle trop lourd, croquant l’amour comme la rouge pomme…». Mais il est clair que c’est dans sa chanson « Ma France », écrite en 1969, que le poète nous livre un texte grandiose où presque tout est dit sur ses convictions profondes.
De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson. Ma France
Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
Quelque chose dans l’air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche. Ma France
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre. Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille. Ma France
Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu’il est temps que le malheur succombe. Ma France
Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l’histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs. Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain. Ma France
Qu’elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles. Ma France
Jean Ferrat aura mis en musique de nombreux poèmes de Louis Aragon « Pour les yeux d’Elsa », « Aimer à perdre la raison », « Que serais-je sans toi »… La chanson française pleure l’un de ses auteurs les plus talentueux. À 79 ans, Jean Ferrat est mort à l’hôpital d’Aubenas le 13 mars dernier. Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson sous le nom de Jean Tennebaum, il connut les horreurs de la guerre puisqu’il perdit son père, déporté à Auschwitz. Sauvé par des militants communistes, il sera resté fidèle toute sa vie à ce parti, sans jamais avoir souhaité se faire encarter. En 1963, Jean Ferrat créa la polémique avec un titre, Nuit et Brouillard. Cette chanson, sur la déportation avait été boudée par les radios, mais était devenue une « chanson plébiscitée par le public ».
Résidant depuis de nombreuses années en Ardèche, à Antraigues, il avait toujours fui le star-system, préférant la douceur et le calme de cette région. Enthousiasmé par ses paysages enivrants, il lui avait même dédié en 1964 « La Montagne » qui fut l’un de ses plus grands succès. N’ayant pas peur de se faire griller par -le métier- Jean Ferrat était connu pour ses coups de gueule, concernant l’industrie du disque et le trop faible pourcentage de chansons francophones diffusées sur les ondes. La carrière de Jean Ferrat fut notamment marquée par le prix de l’Académie Charles Cros en 1963 et celui du grand prix de la chanson de la SACEM en 1994.
Merci à Michel Drucker et à toutes ses équipes de télévisions différentes, pour leur fidélité à Jean Ferrat.
C’est sur la Place de la Résistance d’Antraigues-sur-Volane qu’un dernier hommage lui a été rendu. Ça ne s’invente pas !
Adieu l’Artiste et merci.
C. Thomas