Il aura survécu à sa marque qui cessa de produire en 1995, mais qui habite toute les mémoires. Qui n’a pas conduit, admiré, piloté ou possédé une berlinette dans sa vie de passionné ou d’apprenti champion auto. Qui ne regrette pas aujourd’hui de pas avoir pu le faire et davantage encore de ne pas avoir su la garder, sa berlinette. Sa côte reste appréciable mais le plaisir qu’elle dispensait plus encore. Cette berlinette, c’est l’Alpine née de la volonté d’un homme d’imposer une marque, la sienne, ses mécaniques françaises comme sa nationalité, sa région la Normandie, et sa ville Dieppe, et ne plus laisser Porsche, Ford, Lancia et tant d’autres rouler des mécaniques sur toutes les pistes et circuits du monde. Jean Rédélé, c’est cet homme qui vient de nous quitter à 85 ans au terme d’une lente et douloureuse agonie. C’était le 10 août à Paris. Quatre jours plus tard, eut lieu en l’église St Pierre de Montmartre une cérémonie fort recueillie en présence de quelques anonymes et beaucoup de ses "grognards" de la première et dernière heure : pilotes (J. Vinatier, J.C. Andruet, J.P. Nicolas, J. Terier, J.P. Jaussaud, J. Ragnotti, J. Chernisse, A. Serpaggi, M. Bianchi), mécaniciens, dirigeants, techniciens et possesseurs de berlinettes tout simplement, venus saluer la mémoire de cet homme exceptionnel. Plus de 15 jours aprés sa disparition, nombreuses personnalités du "milieu" ignoraient encore son décès. Les médias pour la plupart ont boycoté l’information. Pas un mot aux J.T, rien à Automoto. Faut-il s’en étonner quand Renault associée à la marque avant d’en devenir le propriétaire ne se "fendit" même pas d’un communiqué ! Si Alpine dut beaucoup à Renault, la réciproque est valable, car tous ces titres nationaux et internationaux glanés sur les routes, sentiers, pistes et circuits du monde doivent beaucoup à Alpine dont la consécration fut officiellement proclamée en 1973 par un titre mondial en rallyes chez les marques. Ce qui n’était pas rien, titre qu’elle avait déjà conquis deux ans plustôt, mais on ne parlait alors que de Championnat d’Europe des rallyes pour marques. Rien pourtant ne fut facile et il fallut toute la détermination de cet homme hors du commun convaincu que le succès acquis, par lui et d’autres pilotes, au volant des petites 4CV Renault (lancée en 1946) améliorées, dans les grandes courses routières d’alors dont les très médiatiques Mille Miles. C’est lui qui eut l’idée d’une boîte de vitesses 5 rapports dans la 4CV et fit breveter cette "boîte Claude". C’est encore lui qui estima qu’une 4CV plus légère et mieux profilée pouvait faire beaucoup mieux et favoriser une carrière commerciale. Lui le jeune diplômé HEC, le plus jeune des concessionnaires Renault en France prit alors le Losange par les pointes et lança la construction de l’A106, le coach Milles Miles à la lunette AR de Frégate en guise de pare-brise ! aux moteurs Renault 750 puis 850, à la carrosserie plastique des frères Chappe, le tout produit à Dieppe au garage avant la petite usine. Lui succédant les A108 et enfin la mythique A110 pour qui il fallut construire une usine toute nouvelle (1969 – 400 personnes) quand la marque prit son envol. Pourquoi Alpine ? En souvenir d’une très belle victoire acquise à la Coupe des Alpes. L’A108, avec une nouvelle silhouette, un châssis poutre et des moteurs Renault plus gros, montrera la voie à la berlinette A110 qui déroulera son ruban de victoires et permettra à de nombreux pilotes amateurs de se mesurer aux meilleurs professionnels du pilotage et contribuera à son succès commercial. Vu d’aujourd’hui, la réussite d’Alpine et de Rédélé paraîtra surnaturelle car basée sur plusieurs fronts. Les rallyes, son fond de commerce en quelque sorte, mais aussi la F3, la F2, les GT, Sport et Prototypes et même F1 si Renault n’avait brisé l’élan d’un projet très encourageant. Parmi les victoires les plus célèbres et illustres, les Rallyes de Monte Carlo, Tour de Corse, Coupe des Alpes, Critérium des Cévennes, Maroc, Acropole, les succès aux 24 Heures du Mans à l’indice énergétique, aux 12 H de Reims, au Nûrburgring, à Charade, partout dans le monde dans beaucoup de disciplines.
Dés 63, Renault avait mis le feu aux poudres en fournissant des moteurs à René Bonnet, le B et DB, puis à Rédélé en même temps qu’à Matra. On connait la rivalité et les succès de cette dernière mais Rédélé lui s’en tint essentiellement aux moteurs et mécanique françaises. Sachez qu’aux 24 H du Mans 1954, l’Alpine gagne l’indice Energétique en ayant consommé 13,16 litres à plus de 163 km/h de moyenne avec un moteur 1150. Les vrais écolos étaient du coté de Dieppe. Qu’en 1966, toujours au Mans en essais, avec un moteur 1300 Mauro Banchi crevait le mur des 200 km/h de moyenne avant de descendre, l’année suivante, avec un 1500 sous la barre des 4 minutes (3’58"6/203,3). Il fallait les voir négocier les virages la patte AV extérieure souvent levée à des vitesses inhabituelles. Sensation partagée avec Porsche 907 plus puissantes. Ce parallèle résume à lui seul la rivalité entre les marques. Et quand Rédélé programma la gestation de l’A310 chargée de succéder à la berlinette, il appuya sur l’exemple allemand et ses options portèrent sur le moteur en porte à faux et le coupé 2+2. En définitive la dernière née ne connut pas le succès de sa rivale germanique, mais fit néanmoins le bonheur des nombreux propriétaires, qu’elle utilise le 4 cylindres ou le V6 PRV. (5500 envieux) Pour sa défense on invoquera la conjoncture qui n’était pas du tout la même qu’outre Rhin. Le choc pétrolier de 1973 frappa les mentalités surtout celles de nos gourvernants qui commencèrent par interdire le sport automobile avant d’introduire les limitations de vitesses. C’est encore J. Rédélé qui eut l’idée d’utiliser le Turbo que Jean-Luc Thérier réussit à imoser aux Cévennes avant que l’équipe de Vitry-Chatillon n’ouvre une nouvelle ère sous le contôle de Renault et d’un certain B. Dudot formé à Dieppe, avant de gagner les 24 H du Mans, certes sous le vocable Renault-Alpine puis manqué d’un rien, d’une tricherie de son rival Brabham-BMW en fait, le titre mondial F1 avec Alain Prost. On peut affirmer que ses décorations de l’ordre du Mérite et sa Légion d’Honneur de 1971, Jean Rélélé les avaient bien méritées. Etienne Moity le Chaudin. Infos dur GOOGLE rédélé.fr |